15 mars 2014

HOMMAGE A ...

FRANCOIS TRANCHESSEC, père et fils.




François, le fils, nous a reçus chez lui pour nous montrer des photographies qu'il conservait de l'époque de la libération de notre ville, Alfortville.


François Tranchessec

 Il nous a parlé de son père, qui était résistant dans les Forces Françaises de L'Intérieur. 


François avec le brassard FFI de son père

Il se présente à nous ainsi : 


"Je suis né rue Véron, au 72, au deuxième étage, où ma famille habitait. Nous sommes huit frères et sœurs. A l'époque de la seconde guerre mondiale, nous étions 5 enfants. J'avais 4 sœurs, Alice, Arlette, les jumelles Jocelyne et Josiane, et moi, François."

Nous dédions ce travail à son père, François, car nous sommes fiers de connaître l'histoire qu'il a vécu pendant la guerre et d'en apprendre plus sur la situation de notre ville durant l'occupation. 
Nous lui rendons hommage pour ses actions en tant que résistant et pour les risques qu'il a pris afin de sauvegarder notre liberté et les valeurs qui fondent notre République. 

Nous avons décidé d'accompagner François au cimetière d'Alfortville, pour nous recueillir sur la tombe de son père. 


Sépulture de François Tranchessec

Cet acte si simple à nos yeux revêtait une grande importance pour François. Nous avons déposé des roses sur la tombe de son père, et nous avons été émues de voir à quel point cet hommage le touchait. 




de gauche à droite, 
THIAM Katy
MARRONI Julia
LEAL FRANCISCO Victoria
FASSY Zainabe
NICOLAS Amélie






INTRODUCTION

Nous avons choisi d'étudier la libération du territoire français et le retour à la République en nous penchant plus particulièrement sur l'étude des documents d'archives. 

Nous nous sommes rendues à la mairie d'Alfortville au service des Archives municipales où nous avons travaillé avec Corinne Nortier et Stéphanie Gandille.

Nous avons travaillé :
sur des communiqués datant de la période de l'occupation allemande et celle de la libération de la ville d'Alfortville,  
sur les actes de décès concernant quelques résistants résidant à Alfortville dont les noms figurent sur des plaques de rues,
sur les délibérations du conseil municipal d'Alfortville.

Nous nous sommes rendues ensuite aux Archives Départementales du Val de Marne où Elise Lewartowski nous a présenté des documents audiovisuels, des témoignages oraux et des documents papier, comme des journaux, des affiches et des tracts. 

Une visite à l'ECPAD nous a permis d'en apprendre davantage sur la libération du territoire, et plus particulièrement sur le débarquement. 

Nous avons complété nos recherches avec le témoignage de François Tranchessec, rencontré lors de notre sortie pédagogique annuelle avec l'Union des Anciens Combattants du Val de Marne. 
Nous partions sur les plages du débarquement, rendre hommage aux soldats américains enterrés au cimetière de Colleville-sur-Mer, et visiter le Mémorial de Caen.

Nous avons collecté de nombreux documents concernant le thème du Concours, mais nous nous sommes davantage penchées sur l'histoire de notre ville, Alfortville, et de notre département, le Val de Marne, qui était appelé département de la Seine.

Voici notre travail.


LA FRANCE ET ALFORTVILLE OCCUPEES

En mai 1940, l'Allemagne nazie envahit la France, et l'armée française est rapidement mise en déroute. 
Dépassé, le gouvernement fait appel au Maréchal Pétain pour sortir d'une situation désespérée.


Une du journal Le Matin, 12 juillet 1940

Ce héros de la première guerre mondiale est populaire et il bénéficie du soutien d'une grande partie de la population. 
Pétain décide de cesser le combat et signe l'armistice avec l'Allemagne le 10 juin 1940.
Mais un jeune général, Charles de Gaulle, refuse la défaite et, le 18 juin 1940, lance un appel à la résistance. 

Pétain estime que la République est responsable de la défaite. 
Le Parlement lui donne les pleins pouvoirs pour rédiger une nouvelle Constitution qui met fin à la IIIè République et créé un nouveau régime politique : le régime de Vichy. 
Il est accepté par une très grande majorité de Français, qui font confiance à Pétain.
Ainsi, les institutions républicaines et leurs élus disparaissent. 

La France est divisée en deux zones, l'une libre et l'autre occupée par les allemands.


Les pancartes de signalisation dans Paris indiquent les directions en allemand


Installé en zone libre à Vichy, le régime de Vichy est une dictature. 

Les pouvoirs exécutifs et législatifs sont concentrés entre les mains de Pétain, sauveur de la France, dont la personne est exaltée par la propagande. 
Les valeurs du nouveau régime, Travail, Famille, Patrie, remplacent celles de la République. 
Les libertés sont bafouées et l'égalité en droit de tous les citoyens n'existe plus : les partis, les syndicats, les grèves sont interdits, les médias censurés, le contrôle policier renforcé.
L'antisémitisme du régime aboutit à l'exclusion et à la déportation des Juifs.

Vichy s'engage dans la voie de la Collaboration avec l'Allemagne nazie. 
Pétain et Laval imposent les réquisitions et le Service du Travail Obligatoire. 
Ils vont plus loin en permettant à la police, à la Milice, et à Gestapo de pourchasser les résistants et d'organiser la déportation des Juifs. 
Le régime de Vichy devient ainsi complice de la guerre d'anéantissement menée par les Nazis. 


La France découpée en zones d'occupation


Témoignage de François Tranchessec, qui avait 5 ans pendant l'occupation d'Alfortville, ville située dans l'ancien département de la Seine, au sud-est de Paris. La commune se trouve près des forts de Vincennes et Charenton, qui étaient occupés par les allemands. 

"Quand Alfortville était, comme la France, occupée par les allemands, nous vivions à leur contact. 
Ils étaient au fort de Charenton, mais ils venaient régulièrement à Alfortville, rue Véron, où se trouvaient les douches municipales. Aujourd'hui, elles sont toujours là, c'est la salle Blairon, là où les élèves font du sport. 
Il y avait également le lavoir, donc tout le monde s'y retrouvait.

Quand les allemands passaient dans la rue, on les entendait, car ils défilaient, ils chantaient et faisaient claquer leurs bottes. On les considérait comme des envahisseurs.

J'étais tout le temps avec mon père, étant le premier garçon, et on se mettait à la fenêtre pour les voir passer. On reconnaissait leurs voitures, des Peugeot noires. Cela m'a marqué de voir des allemands dans nos douches, habillés en soldats, en uniforme. C'était très impressionnant pour un gamin de 6 ans comme moi."

LE VAL DE MARNE OCCUPE

Comme toute la France, le département de la Seine, aujourd'hui appelé Val de Marne, subit l'occupation.

Voici quelques documents évoquant certains aspects de cette occupation.

Les habitants sont soumis à la pénurie alimentaire, et le ravitaillement n'est pas suffisamment assuré.
Les allemands se livrent à un pillage en règle des ressources de la France.

Voici un tract non daté qui dénonce la misère, la famine et l'esclavage.
Comités féminins de la région parisienne
Coll MRN Champigny

Le marché noir se développe, la débrouille s'organise. Les municipalités tentent d'inciter à recourir au système D pour améliorer le quotidien .

Dans les usines, les ateliers, la main d'oeuvre est exploitée au profit de l'Allemagne.
La mise en place du Service du travail Obligatoire en 1942 oblige les municipalités à organiser le départ de travailleurs pour l'Allemagne. De nombreux hommes refusent, et sont pourchassés. 


Paris, 23 février 1943
Circulaire du préfet de la Seine relative au STO.
Les maires du département doivent établir d'urgence la liste des jeunes gens qui ne se sont pas présentés au recensement pour le STO. 
Archives municipales d'Alfortville.

Les alliés bombardent également les lieux d'activité économique et les villes. 
La France collabore avec l'Allemagne, et les attaques alliées visent les industries d'armement, les usines de production de matériel de guerre. 
La banlieue parisienne est durement touchée dès 1942.

Bilan des bombardements dans la Seine en 1942, 1943 et 1944
Paris, 1er juillet 1944
Archives départementales de Paris

Le 31 décembre 1943, un important bombardement frappe le sud est de paris. La commune d'Alfortville est durement touchée, ainsi que d'autres. 

Décombres rue Paul Vaillant Couturier, le 31 décembre 1943, Alfortville
Archives municipales. 

François Tranchessec se souvient des bombardements :

 "Je vous parle de celui qui a touché la rue Marcelin Berthelot et le square situé devant l'école Octobre.
Dans cette rue, mon oncle, le frère de ma mère, vivait dans un pavillon avec sa famille : sa femme et leurs enfants. Les bombardements devaient toucher Ivry, mais il y a eu une erreur, et toute la rue a été détruite. Ils sont tous morts.
Je me rappelle très bien avoir entendu les avions passer, et en avoir entendu d'autres fois aussi. 
J'ai encore la vision d'un avion qui volait tellement bas que l'on pouvait apercevoir le pilote. J'avais l'impression que l'avion allait rentrer dans notre cuisine, tellement il volait en rase motte et faisait du bruit."     


Le département vit également l'antisémitisme.
Les entreprises sont aryanisées, les Juifs ne peuvent plus y travailler, la mention "Juif" est apposée sur les cartes d'identité et les cartes d'alimentation. 
Les arrestations et les déportations vers les camps de concentration et d'extermination s'organisent.
Les rafles succèdent ou précèdent des arrestations quotidiennes consécutives aux nombreux contrôles.

Paris, 19 juillet 1942
Note décrivant le départ du convoi du 18 juillet 1942 de Drancy vers la frontière de l'est.
Archives de la préfecture de police de Paris






LUTTER CONTRE L'OCCUPANT

LUTTER POUR DÉFENDRE SA LIBERTÉ ET LES VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE

Dans le Val de Marne, la résistance s'organise.
Des mouvements se forment pour lutter contre l'occupant et défendre les valeurs de la République française.

Les Francs Tireurs et Partisans Français (FTP), constitués au printemps 1942 par le parti communiste, ont un ancrage local fort dans le val de Marne, car la population ouvrière, nombreuse, adhère à ce groupement.

Dès 1942, des sabotages et des actions armées touchent les installations industrielles d'Ivry port et celles travaillant directement pour la machine de guerre allemande.

La résistance gaulliste est présente dans le val de marne également.
Un maquis se forme même à la Queue en Brie, trois mois avant la Libération. Il comprend une trentaine de résistants qui établissent leur camp dans le bois Notre Dame.

Ici, plan réalisé par le service B, service des renseignements des FTP, réseau Fana. 
Ce plan vise la gare de Villeneuve saint George.
12 décembre 1943
Coll MRN Champigny


Plan réalisé par le même service, visant l'aérodrome d'Orly
7 juin 1943



Les groupes de résistants organisent des sabotages et sont pourchassés par la Milice, ainsi que par les institutions qui collaborent avec l'occupant.

A la suite d'actes de sabotage et sur ordre des autorités allemandes, le maire de Bonneuil sur Marne demande à la population d'être attentive et de signaler à la mairie les indices éventuellement recueillis. Bonneuil sur Marne, 7 janvier 1941.
Archives départementales du Val de Marne



LA RÉPRESSION

La répression contre ces "terroristes" est radicale. Arrêtés, ils sont souvent torturés, amenés à la prison de Fresnes, puis exécutés. 

Paris, 14 août 1942
Exécution de 88 terroristes communistes à Fresnes.
Courrier du commandant SS au préfet de Police de Paris.
Archives de la préfecture de police de Paris



Le fort de Vincennes ainsi que le Mont Valérien sont les lieux les plus utilisés pour les exécutions.

Lettre anonyme qui contient, accrochée à un fil, une liste de résistants gaullistes et communistes fusillés le 2 octobre 1943 au fort de Vincennes. 
Romainville, 2 octobre 1943
Coll MNR Champigny





Ces hommes et ces femmes vont jouer un rôle primordial dans la lutte auprès des forces alliés. 
Leurs actions d'information, de sabotages, d'aide à la construction de barricades, vont accompagner et seconder l'avancée des troupes qui libèrent progressivement le territoire.

Dans le Val de marne, de nombreux résistants issus de tous les mouvements vont prendre part aux combats de la libération, et parfois mourir les armes à la main. 


PARIS, CŒUR DE L'UNIFICATION DE LA RÉSISTANCE


Le rôle grandissant de Paris dans la Résistance est lié directement au processus d’unification et à l’effacement de Lyon après l’invasion de la zone sud le 11 novembre 1942. 

Les groupements, les journaux, les services créés en zone Sud par Jean Moulin, délégué du général de Gaulle pour l’ensemble de la France, s’installent à Paris qui devient la capitale d’un véritable état clandestin. 

C’est à Paris que se joue la question du pouvoir et son rôle politique est d’une extrême importance. C’est de là que les résistants veulent refaire l’unité de la France.

PORTRAIT D'UN RESISTANT DES FFI


François Tranchessec était marié, vivait à Alfortville, au 72 rue Véron, deuxième étage, et avait fondé une famille composée de 4 enfants au moment de l'occupation. D'autres enfants naîtront après la guerre. 

Son fils ainé, François également, né le 10 07 1939 au 72 rue Véron à Alfortville où il a vécu toute son enfance. nous raconte : 

"Nous avons été élevés dans une famille de militants communistes.
Nous participions régulièrement à la fête de l'Humanité et mon père était secrétaire de la cellule Guy Moquet du parti communiste d'Alfortville, située au 72 de la rue Véron.
Cette cellule était très active. 

François et des amis communistes, la plupart anciens résistants, 
devant la cellule Guy Moquet, après la guerre


Les militants accrochaient des banderoles sur la devanture, des drapeaux flottaient au-dessus, et ils plaçaient des grandes pancartes d'hommes politiques français avec des extraits de leurs discours sur le trottoir.

La cellule de la rue Véron décorée

Mon père exerçait le métier de chauffeur de camion poubelle pour la Compagnie Générale d'Entreprise Automobile de la ville de Paris.
Il était, avec ses collègues, militant communiste. 
En 1936, le voilà qui pose devant son entreprise lors des grandes grèves :



Les enfants de notre famille et nos voisins adhéraient à des mouvements de jeunesse appelés Vaillant. C'étaient en quelque sorte comme les scouts sauf que nous étions laïcs. Il s'agissait surtout d'actions de solidarité pour les enfants et les jeunes. Nous distribuions les journaux, par exemple.

Le groupe des filles "vaillantes", avec mes sœurs Alice, Arlette, et les jumelles Josiane et Jocelyne

Le groupe des garçons, avec François fils devant

J'étais scolarisé à l'école Octobre, toute récente. C'était l'école des ouvriers, de la "basse classe", du 108. L'école Barbusse, elle, était plus "prestigieuse".

 Mon père s'appelait François Tranchessec. Il était chef d'ilot, c’est-à-dire qu'il surveillait notre quartier, et avait un sifflet qui lui permettait d'avertir en cas de bombardement ou de menaces provenant des allemands.

Il organisait des réunion de secteur dans notre salle à manger du 72 de la rue Véron. Dans cette pièce, des tableaux de communistes comme Marcel Cachin ou Maurice Thorez étaient accrochés au mur.

Ma mère et lui avaient fixé des couvertures aux fenêtres, car il ne fallait absolument pas que de l'extérieur on puisse voir de la lumière provenant de chez nous, surtout une fois que le couvre-feu était commencé. On aurait pu nous dénoncer aux allemands, à la Milice, et venir nous arrêter.
Mon père recevait ses compagnons en cachette, ils passaient par les jardins et se faufilaient le plus discrètement possible jusqu'à notre appartement.

On avait un poste de radio, qui n'avait pas été confisqué. 
Mon père écoutait la BBC, il appelait ce poste "l'œil de Moscou", car il pouvait avoir des renseignements provenant de l'Angleterre, et être informé de la réalité des choses, parce qu'à Alfortville les services de propagande diffusaient de fausses informations. En tant que chef d'ilot, il devait s'informer.

Quand on entendait les avions, les consignes étaient de vite descendre dans la cave pour se protéger, mais mon père ne voulait pas y aller, car il craignait d'être enseveli sous les décombres. Je restais donc seul avec lui dans le jardin, en attendant que les avions repartent.

Je ne peux pas dire ce qu'il se racontait lors de ces réunions, mais je voyais les hommes venir, car je me cachais derrière la porte dans le couloir avec ma sœur Alice. Quand mon père se rendait compte de notre présence, il nous demandait de filer au lit.

C'était quelqu'un de très discret, qui n'a jamais voulu de reconnaissance, ni que l'on parle de ce qu'il avait fait. Il l'a fait pour l'honneur et pour défendre ses convictions.

Je sais qu'ils parlaient des actions et des sabotages que les résistants pouvaient organiser aux alentours, notamment au fort de Charenton. "


LE CNR ET LES INSTITUTIONS PROVISOIRES

LE CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE

Le 21 février 1943, le général de Gaulle fait de Jean Moulin son seul représentant pour l’ensemble du territoire. 
Pour que la Résistance soit reconnue et armée par les Alliés, il faut intégrer les partis politiques et les syndicats au sein d'un Conseil de la Résistance. 
Le 8 mai, Jean Moulin adresse un télégramme au général de Gaulle annonçant sa création. 


Jean Moulin

La suprématie de Paris s’affirme lorsque Jean Moulin préside, le 27 mai 1943, la séance inaugurale du Conseil national de la Résistance au 48 de la rue du Four, à Paris. 


Le résultat le plus important est le vote d’une motion de confiance au général de Gaulle, chef de la France combattante et seul chef politique, le général Giraud, imposé par les Américains, devant lui être subordonné. 



L’arrivée de De Gaulle en Algérie et la mise sur pied du Comité français de Libération Nationale préfigure le gouvernement provisoire. 

Jean Moulin demande à son secrétaire Daniel Cordier d’installer son poste de commandement à Paris, C’est son dernier voyage à Lyon. 
Trahi, il est arrêté le 21 juin 1943 et ne parle pas sous la torture. Il meurt près de  Francfort probablement le 8 juillet 1943.

La disparition de Jean Moulin entraîne un flottement au sein du CNR et du Comité de Libération Nationale.
Les fonctions de délégué général et celle de Président du CNR sont séparées. 

Finalement, c'est Alexandre Parodi, homme de devoir et grand serviteur de l'Etat, qui est nommé délégué général en mars 1944. Sa mission principale est de préparer la venue à Paris du gouvernement d'Alger, où de Gaulle s'est installé. 

Alexandre Parodi


UNE ORGANISATION COMPLEXE

Présidé par Georges Bidault, élu en septembre 1943, le CNR s’affirme comme l’institution la plus représentative de la Résistance intérieure. Mais jusqu’à  la fin de l’insurrection, seul son bureau, composé de cinq membres, pourra se réunir dans divers lieux à Paris pour des raisons de sécurité.


Georges Bidault

La situation est encore plus complexe du fait de l’existence du Comité parisien de la Libération, destiné à remplacer le Conseil municipal de Paris et le Conseil général  de la Seine à la libération. 

Ce comité de ville et de département, créé en septembre 1943 par André Tollet, secrétaire général de la CGT pour le département de la Seine, dirige la résistance parisienne, certains groupes armés et les milices patriotiques ; il prépare l’insurrection en liaison avec le CNR et la Délégation générale.


Le débarquement allié en Normandie le 6 juin 1944 précipite les événements. 
Suivant le discours du général de Gaulle du 18 avril 1942, les Parisiens doivent prendre part à leur libération inséparable de l’insurrection. 

Mais qui tient Paris, tient le pouvoir,  et la libération de  la capitale est donc cruciale sur le plan politique.

Cette organisation politique est doublée d'une organisation militaire, dirigée depuis Londres par le général Koenig. Il commande les Forces Françaises de l'Intérieur nées en février 1944 de la fusion théorique de toutes les formes militaires de la résistance. 

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Général Koenig

Les Francs Tireurs Partisans et l'Organisation de Résistance de l'Armée conservent pourtant leur autonomie.

Le CNR dirige l'action militaire par l'intermédiaire du Comité d'Action Militaire (COMAC), créé en mai 1944, qui commande les FFI jusqu'au débarquement. 
Début juin 1944, le colonel Henri Rol Tanguy, issu des FTP, prend la tête des FFI de la région parisienne.  


Henri Rol-Tanguy





LA PREPARATION DE LA LIBERATION

LES CONDITIONS DE LA LIBÉRATION


 Pour le chef de la France combattante, il est essentiel que les armes de la France agissent à Paris avant celles des Alliés, que le peuple contribue à la défaite de l’envahisseur, et que la libération de la capitale porte la marque d’une opération militaire et nationale

L’insurrection est politiquement nécessaire pour maintenir l’unité de la résistance et une administration nouvelle doit être en place avant l’arrivée des Alliés

Le 3 juin 1944, le Comité français de Libération nationale (CFLN), dirigé par le général de Gaulle, se transforme en Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), pleinement reconnu par la Résistance intérieure. 

Les mouvements de résistance  et le chef de la France combattante s’accordent sur la nécessité de l’insurrection, à condition qu’elle se déroule dans l’ordre et qu’ils en restent maîtres.


LA PRÉPARATION POLITIQUE

Grâce à la fusion de divers mouvements, la Résistance intérieure a gagné en autorité. 
Les Parisiens la connaissent surtout par la presse clandestine qui s’imprime en majorité à Paris depuis 1944 et compte une bonne centaine de journaux. 
A l’intérieur et à l’extérieur de la France, la Résistance s’est structurée et tout est prévu pour qu’elle prenne une option sur le pouvoir.

A Alger, le GPRF dispose du pouvoir exécutif et l’Assemblée consultative provisoire, née le 3 novembre 1943, du pouvoir législatif.

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L’Assemblée Consultative Provisoire a été instituée par l’ordonnance du 17 septembre 1943, prise par le Comité français de la Libération nationale siégeant à Alger, présidé par le Général de Gaulle.


A Paris, le Gouvernement provisoire est représenté par un délégué général, Alexandre Parodi. 

La Délégation comprend diverses commissions, chargées des questions économiques, du ravitaillement, de la mise en place des comités de libération, de la nomination des préfets et des secrétaires généraux. 
Alexandre Parodi dirige tous ces services, mais n’a pas d’autorité directe sur les divers groupements de Résistance. 

Pour renforcer ses pouvoirs et pour contrôler l’insurrection, le général de Gaulle lui attribue, le 14 août, le rang de Ministre délégué dans les territoires non encore libérés.

Georges Bidault, qui a succédé à Jean Moulin à la présidence du Conseil de la Résistance (CNR), est bien le chef de la Résistance
Le bureau du CNR comprend, outre Georges Bidault, Louis Saillant (CGT), Pierre Villon (Front national), Pascal Copeau (MUR) et Maxime Blocq-Mascart (OCM).

Le Comité parisien de la libération (CPL), quant à lui, comprend 19 membres représentant partis politique, syndicats et organisations de la Résistance. 
En pratique, son bureau de six membres, comprenant Rigal puis Marrane (PC), Hamon (CDLR), Carrel (Front national), Marie-Hélène Lefaucheux (OCM), Deniau (Libération-nord) et Tollet (CGT), dirige la Résistance parisienne jusqu’à la libération et prépare l’insurrection en liaison avec le CNR et la Délégation générale


Bureau du Comité parisien de la Libération. André Carrel est au centre aux côtés d'Henri Rol-Tanguy (invité). Coll. Musée de la Résistance nationale.

Comité Parisien de libération, Paris, 1944

Animé par les représentants des organisations ouvrières et communistes, le CPL dirige certains groupes armés et les milices patriotiques, créées le 15 mars 1944 par le CNR. Celles-ci s’apparentent à une sorte de police populaire au service des comités locaux de libération.


En liaison étroite avec l’état-major local des FFI, le bureau du CPL prépare les mesures à prendre le jour du soulèvement pour coordonner action militaire et mouvement insurrectionnel. 
Ses appels à la population pour participer aux manifestations et aux grèves jouent un rôle important et entretiennent un climat propice à la combativité des Parisiens. Ils suscitent aussi le développement des sabotages après le débarquement allié le 6 juin 1944.




LA PRÉPARATION MILITAIRE

Le général Jacques Chaban-Delmas, délégué militaire national, est le responsable militaire du GPRF, placé sous l’autorité du général Koenig, commandant en chef des FFI. Il est chargé de subordonner toute l’action militaire de la Résistance au général Koenig, resté à Londres.


Général Chaban Delmas

Alfred Malleret-Joinville est le chef d'état-major FFI du Comité d'Action Militaire, qui commande les FFI jusqu'au débarquement.

Le colonel Henri Rol-Tanguy, chef des FFI de la région parisienne, exerce véritablement le commandement des insurgés. Il dispose d’un adjoint pour le département de la Seine, le colonel de Marguerittes, dit Lizé, officier confirmé.

Pour affirmer la souveraineté française, de Gaulle doit entrer dans Paris. 

L’unité chargée de cette mission est la 2è Division blindée française (2èDB). 
Son commandant, le général Leclerc, compagnon de la première heure du général de Gaulle, est l’un des chefs les plus illustres de la France libre. 


général Leclerc


Il est chargé par de Gaulle de mettre sur pied la 2èDB, équipée par les Américains. 
Elle est constituée de Français libres auxquels se sont joints des hommes et des femmes de tous horizons et de toutes convictions politiques et religieuses (armée d’Afrique du nord, républicains espagnols, évadés de France par l’Espagne, sud-américains, soldats des colonies...). 
Leclerc disait « la constitution de la 2è DB fut ma plus belle victoire ». Elle est le symbole de cette union retrouvée que de Gaulle souhaitait instaurer en France sous son autorité.

Leclerc a été informé des intentions du général de Gaulle concernant la capitale dès le mois de décembre 1943 : un ordre écrit du chef de la France combattante, que lui remet le capitaine de Boissieu, membre de l’Etat-major de la Division, le nomme, en effet, gouverneur militaire de Paris par intérim
De plus, le général Eisenhower, commandant en chef allié, a promis au général de Gaulle que les Français seraient les premiers à entrer dans Paris.


Fin avril-début mai 1944, la 2è DB est donc transférée du Maroc en Angleterre, afin de parfaire son instruction. 
Elle est placée sous les ordres de  la 3è armée américaine du général Patton, à laquelle elle est rattachée. Fin juillet, au moment où la percée du front allemand en Normandie devient prévisible, elle est acheminée vers le sud de Southampton. Elle atteint la plage d’Utah Beach, près de Saint-Martin-de-Varreville dans le département de la Manche, le 1er août 1944.

Tout ceci confirme l’acceptation tacite par les Américains de l’autorité du chef de la France combattante, le général de Gaulle.



6 JUIN 1944 : LE DEBARQUEMENT

Overlord : Une machine de guerre conçue par les Anglais


Une fois le débarquement en Afrique du Nord réussi, les autorités américaines ont fait pression sur l’Angleterre pour ouvrir, dés l’automne de 1943, un front en Manche. Washington considérait que cette stratégie était la seule capable de conduire le Reich à la défaite.
Afin de préparer ce futur débarquement sur le rivage de l’Europe occidentale, les Américains ont exigé, au début de l’année 1943, la création d’un état-major chargé d’en élaborer les plans et très habilement, confiaient le commandement de ce braintrust à un général britannique. 

Baptisé < Cossac >, cet état major installé a Londres et dominé par les stratèges britanniques  allait déterminer les futur secteur d’assaut, mettre au point l’opération Fortitude destinée à tromper l’ennemi sur les attentions des Alliés, rassembler grâce à Ultra* Des renseignements relatifs à la Wehrmacht  et imaginer de nouvelles armes secrètes. 

Alors que l’Armée rouge se battait à mort contre la Wehrmacht ,que les Américains produisaient des centaines de milliers de chars ,d’avions, de canons et de péniches d’assaut, les Britanniques, avec leur Premier ministre Winston Churchill et leurs généraux , concevaient ,planifiaient et menaient le déroulement du conflit. 

L’opération de Normandie n’est pas le seul débarquement lancés pas les Alliés au cours de la dernière guerre mondiale.  

Il y a avant la Normandie le couteux désastre de Dieppe en aout 1942, un assaut maladroit sur le littoral de l’Afrique du Nord en novembre 1942, une répétition grandeur nature en juillet 1943 sur les cotés méridionales de Sicile ,plus deux autre exercices d’entrainement sur le rivage de la péninsule d’Italie , à Salerne et à Anzio.


Affiche : "1944. Année de la décision. L'effort suprême reste à faire."

« Les Etats Unis venaient seulement de trouver la cadence des mobilisations et d’entrainement de leurs armées, de leur flotte et de leurs forces aériennes. La grande masse de matériel de combat naval aérien et terrestre, nécessaire pour l’invasion, n’existait pas. Au cours de l’été de 1942,il fallait une foi, pour ne pas dire un optimisme , vraiment considérable, pour attendre avec confiance le jour ou le potentiel  des Etats Unis serait pleinement exploité. Cette foi était exigée de tous les grands généraux. Toute expression de défaitisme constituait une cause immédiate de destitution. Tous les officiers le savaient. »
                                                                                                                    D.D Eisenhower



On peut distinguer dans la longue bataille de Normandie (7 juin-21 aout 1944) trois grandes étapes, chacune coïncidant approximativement avec un mois de l’été de 1944.  
                   
Juin est consacré à la coupure de la péninsule du Cotentin et à la conquête par les américains de la forteresse de Cherbourg.   
                                                                          
Après un long piétinement de ans le bocage comme dans le plaine a l’autre extrémité du front, juillet amène trois bonnes nouvelles : la capture de Saint-Lô, la prise de Caen, l’enfoncement du front et la percée de Avranches.                                                                                    

Rempli de combats meurtriers, le mois d’août verra, après presque quatre-vingt jours de lutte, la fin de la mêlée avec l’encerclement de la 7. Armée allemande, dans la poche de Falaise.


6 juin 1944 : Opération Overlord

 « Nos troupes anti- invasion sont fin prêtes.
Qu’ils viennent donc ! »
                                                                        Goebbels, Journal, 18 avril 1944


« Sous le commandement du général Eisenhower, les forces navales alliées, soutenues par d’importantes forces aériennes, ont commencé ce matin à débarquer les armées alliées sur la côte nord de la France.  »     
        Communiqué officiel n°1 du grand quartier général des forces expéditionnaires alliées  
   

Les débarquements par air


Les assauts lancés par la voie des airs marquent le début de le grande opération. Effectués aux deux extrémités du secteur de débarquement , les parachutages  avaient pour objectif de protéger, sur ses flancs, l’offensive venue par la mer.


BOMBARDEMENTS AERIENS ET NAVALS

 C’est, dès le début du mois d’avril, qu’avait commencé le pilonnage des batteries d’artillerie par la Royal Air Force (RAF) et l’Us Air Force
Dans la nuit du 5 au 6 juin, 2 500 bombardiers devaient déverser près de 8 000 tonnes d’engins explosifs sur les dix batteries les plus importantes de la future zone d’assaut.




Le mur de l'Atlantique est un système défensif linéaire, qui comprend 12000 ouvrages fortifiés environ. 
Avec le béton, les milliers de canons et de mitrailleuses, s'ajoutent des champs de mines sur terre et sur mer, des centaines de milliers d'obstacles plantés sur les plages, des fossés et des murs antichars ainsi que des zones inondées. 


Sangatte, la plus grosse batterie d'artillerie du Mur

Plate-forme circulaire avec canon de moyen calibre chargé de la défense lointaine du rivage



A l’aube, prenant le relais de l’aviation, l’artillerie navale entrait en action. 
Dans cette intention, une flotte de  bombardement composée de croiseurs, de cuirassés, de torpilleurs et de destroyers avait pris position, le matin du 6 juin, en face de la côte. Les plus gros bâtiments étaient placés sur les deux flans du secteur, face aux batteries les plus puissantes. Les tirs commençaient au lever du jours, une demi-heure avant la mise en terre des troupes.

A ce moment, il faisait suffisamment clair pour que des observateurs, placés à bord d’avions tournant au-dessus des positions allemandes, puissent diriger et corriger le feu des grosses pièces navales.

Planeurs britanniques atterris à proximité du pont de Bénouville



LES DEBARQUEMENTS PAR MER  

En raison des variations de la marée, les débarquement par mer devaient s’effectuer avec des décalages, en partant de l’ouest (Utah) vers l’est (Sword). 





La mission confiée à la 4e division d’infanterie (DI) US (général Barton) était de constituer une tête de pont sur la côte oriental du Cotentin (Utah Beach), de faire la jonction avec les unités aéroportées et avec celles débarquées à Omaha
Ensuite, l’objectif était d’isoler la péninsule du Cotentin du reste de la France, de s’emparer du port de Cherbourg et de percer vers le sud. Sur Utah, l’assaut se déroulait comme prévu et, le soir du Jour J, la base territoriale conquise était solide et les pertes légères. Cependant, malgré une résistance ennemie plutôt faible, à minuit, la division n’avait pas atteint tous ses objectifs.


Passage des soldats des navires de transport de troupes 
dans les chalands de débarquement à l'aide de filets


La tâche confiée à la 1re DI  US (général Huebner) était d’établir une tête de pont baptisée Omaha entre la Vire et Port-en-Bessin, de se diriger ensuite vers le sud en direction de Saint-Lô , tout en s’étalant pour   établir la jonction avec les plages voisines de Utah et de Gold.


Flotte d'assaut au large d'Utah




OMAHA

L’assaut sur Omaha devait rencontrer de multiples difficultés et frôler de très près le désastre. C’est seulement à la fin de la matinée, grâce à l’arrivée de nouveaux renforts et à un ultime sursaut de bravoure, que les Américains prenaient définitivement pied sur la plage et s’y maintenaient. 
Dans l’après-midi, alors que faiblissait la résistance allemande faute de réserves suffisantes, les assaillants réussissaient à percer la ligne des défenses côtières et à s’emparer du village de Vierville. Pendant ce temps, le génie débarrassait la plage des obstacles, comblait les fossés et aménageait des sorties vers l’arrière-pays. 
Au prix de pertes effroyables, les Américains avaient fini par remporter la partie.


Barge de débarquement approchant de la plage d'Omaha



LA POINTE DU HOC

Mener à bien l’assaut sur Gold  était la tâche de la 50e division britannique (générale Graham). Sa mission consistait à conquérir une vaste tête de pont destinée à mettre à l’abri des tir d’artillerie allemande le futur port artificiel d’Arromanche, puis à assurer sa jonction avec les canadiens de Juno. 


Bombardement aérien de la pointe du Hoc

Malgré une farouche résistance des emplacements fortifiés du Hamel et de La Rivière, les assaillants parvenaient à occuper les collines surplombant  le futur milberry d’Arromanches ainsi que les hauteurs de Port-en-Bessin. Dans ce port, situé au cœur du secteur d’assaut , le commandement allié avait décidé d’installer un terminal pétrolier destiné au ravitaillement de l’ensemble des forces du corps  expéditionnaire. 
Le soir du 6 juin, la 50e DI, solidement implantée sur le continent, avait réussi à établir la jonction avec les Canadiens de juno

JUNO

A la 3è DI canadienne revenait la mission de s'emparer des défenses côtières du secteur de Courseulles-Bernières, puis de s'enfoncer dans l'arrière-pays en direction de la RN 13 et de l'aérodrome de Carpiquet tout en se déployant pour faire la liaison avec les Britanniques de GOLD à l'ouest et de SWORD à l'est. 


le débarquement sur Juno Beach


La défense allemande a empêché la progression prévue, et seule la jonction avec les Britanniques de Gold était faite la soir, et cette position allait rester la même durant un mois. 

SWORD

La 3è DI britannique devait s'emparer de la ville de Caen, tout en effectuant la jonction avec la 6è division aéroportée parachutée à l'est de l'Orne et avec la 3è division canadienne débarquée sur sa droite. 


Vue aérienne de l'assaut sur Sword Beach (secteur de la Brêche d'Hermanville)

Après la libération d'Ouistreham, menée avec l'appui du commando franco-britannique Kieffer, les Allemands empêchaient la division d'avancer, avec la vingtaine d'ouvrages fortifiés qui leur permettaient d'organiser une défense solide et de bloquer pendant un mois l'avancée des alliés. 

JUIN 1944 : LA CONQUÊTE D’UN PORT

« Nous savions que, même après la prise de Cherbourg, les installations de ce port ne seraient pas suffisantes pour le trafic dont nous avions besoin. Pour résoudre ce problème nous conçûmes un projet tellement nouveau qu’il fut qualifié de complètement chimérique par les septiques. Il s’agissait de construire des ports artificiels sur la cote de Normandie. »

D.D.Eisenhower, Croisade en Europe


La stratégie de Montgomery

« Après avoir pris pied solidement en Normandie, mon dessein était de menacer le front oriental d’une percée, c’est-à-dire dans le secteur de Caen. En exerçant cette menace, j’avais l’intention d’attirer dans ce secteur les principales réserves ennemies, notamment ses divisions blindées et les y maintenir, utilisant dans ce but les forces britanniques et canadiennes. »

B.L. Montgomery


Montgomery, commandant en chef des forces terrestres dans Overlord 
et Leigh-Mallory, commandant des forces aériennes



Au soir du jour J, les Alliés avaient pris pied sur le continent. 

Le brutal et sanglant rejet à la mer promis par la propagande allemande ne s'était pas produit. Il fallait consolider la tête de pont, conquérir ou installer des aérodromes, procéder au montage des mulberries, capturer des ports continentaux, assurer le ravitaillement en pétrole, amener des conforts, évacuer les blessés et les prisonniers et, surtout, faire face à la contre-attaque des Allemands sur mer, dans les airs et sur terre attendue J+3 ou J+4.

Elaboré par Montgomery, chef des forces armées terrestres américaines et britanniques dans Overlord, le plan de bataille en Normandie est tout à fait classique. 

Aux forces britanniques, situées dans la partie orientale de la tête de pont, était confiée la tâche d'attirer les divisions blindées allemandes. 
Dans cette attention, les troupes de Montgomery devaient, dès le lendemain du jour J, entamer une poussée en direction de Caen et ainsi faire croire à l'adversaire que l'objectif premier des Alliées était de franchir l'Orne de se diriger vers Paris et, au-delà, vers le Reich. 

Entretenir une pression permanente, faire penser une menace constante de percée de telle sorte que l'ennemi rassemble autour de la capitale bas-normande l'essentiel de ses moyens de combat, telle était la mission confiée aux Britanniques.




Fondée sur le principe du maintien de la division des forces allemandes, le plan de Montgomery prévoyait que lorsqu'un des Alliés engageait une offensive, l'autre, qui se trouvait à l'opposé du front, déclenchait simultanément une opération, de façon à éviter un transfert des troupes ennemies d'une aile à l'autre. 




Ainsi, lors de la poussée américaine sur Cherbourg (18-26 juin), les Britanniques lancèrent, au sud de Caen, l'opération Epsom. 

Plus tard, pour soulager les Américains lors de leur offensive sur Saint-Lô, Monty, lançait dans son secteur l'opération Charnwood (libération de Caen). Enfin, dernier exemple, pour faciliter la percée américaine dans le Cotentin (opération Cobra, 25 juillet), les Britanniques s'efforçaient de fixer les divisions blindées allemandes entre Caen et Falaise en engageant les offensives Goodwood et Spring (18-25 juillet). 


LA CRÉATION D'UN PORT

"Nous savions que, même après la prose de Cherbourg, les installations de ce port ne seraient pas suffisantes pour le trafic dont nous avions besoin. Pour résoudre ce problème, nous conçûmes un projet tellement nouveau qu'il fût qualifié de complètement chimérique par les sceptiques. Il s'agissait de construire des ports artificiels sur la côte de Normandie."
D.D. Eisenhower, Croisade en Europe.



Vue aérienne du port artificiel d'Arromanches.
On distingue les chaussées flottantes, les quais sur pieux et la digue au large composée de vieux bateaux et de caissons en béton. 


Voici des documents très intéressants que nous avons découvert dans la revue Armées d'Aujourd'hui, numéro 291 de juin 2004, consacré aux débarquements et libérations de 1944 2004 : 

Tout d'abord la préparation du débarquement, dans la nuit du 5 juin 1944 : 




Le 6 juin 1944 : 


en détails avec le problème du mur de l'Atlantique, construit par l'organisation TODT, afin de contrer un éventuel débarquement des alliés : 



LA CONSOLIDATION DE LA TÊTE DE PONT

Bayeux                                                                                                                                                                    "Je viens de parcourir une trentaine de kilomètres à travers la France libérée avant d'atteindre la grande rue de Bayeux. La ville entière est pavoisée. Les habitants jettent des fleurs dans les mains de nos soldats, mais maintenant ils s'occupent surtout des traîtres qui ont collaborés avec l'Allemagne. [...] Ainsi se défend la France [...] elle se défend en manifestant sa joie de nous voir, et surtout en laissant exploser quatre années de haine contenue, de haine envers les Allemands et leurs complices."                                                                                                  
Un journaliste Britannique 


Le 7 juin, les Britanniques débarqués sur Gold entraient dans Bayeux et poursuivaient leur progression à l'intérieur des terres tout en cherchant à entrer en contact avec les Américains débarqués sur Omaha. 


Soldats britanniques près de la cathédrale de Bayeux


De leur côté, les Américains d'Omaha, tout en cherchant à prendre contact avec les troupes débarqués sur leur droite Utah, lançaient des opérations de reconnaissance en direction de Port-en-Bessin pour rejoindre les Britanniques. 

La jonction s'effectuera quelques heures après la capture de Port-en-Bessin par le 47e commando des Royales Marines. Ainsi, le 8 juin, les Alliés disposaient, sur le rivage du Calvados, d'une bande continue de littoral longue d'une soixantaine de kilomètres, s'étendant de l'estuaire de l'orne à celui de la Vire. 

Inaugurant une série de visite, Churchill débarquait à Courseulles, le 12 juin et, deux jours plus tard, c'était autour du Général de Gaulle de poser le pied sur le rivage français et de prononcer un discours à Bayeux.

Après de durs combats, Montebourg tombait le 19 juin, puis Valognes, en ruine, deux jours plus tard, Cherbourg n'était plus qu'à une vingtaine de kilomètres. C'était à ce moment que les forces américaines mettaient la main sur plusieurs dizaines de sites de lancement pour armes secrètes (V1 et V2).


Valognes, après les bombardements américains.



Valognes                                                                                                                                                "Les maisons disparaissaient soudain et ce n'est plus qu'un entassement de pierres. Ce ne sont pas des maisons détruites, c'est un effondrement total. Rien a résisté aux bombes. Plus rien n'est debout ..."                                                                                                                                                                               Jacques Kayser, un journaliste sur le front de Normandie                   

EN FRANCE

Le débarquement mobilise la résistance intérieure.
De nombreux sabotages sont réalisés sur les lignes téléphoniques, les routes, les voies ferrées afin de gêner les communications allemandes.
De Gaulle lance le 6 juin au soir un appel à une véritable mobilisation nationale :

"C'est la bataille de France et c'est la bataille de la France !
Pour les fils de France où qu'ils soient, le devoir simple et sacré est de combattre l'ennemi par tous les moyens dont ils disposent."

Août 1944
Tract FFI
Coll MRN Champigny